Séance n°9
Équipe réduite pour cette séance. 3 joueurs présents seulement, mais ils ont assumé les personnages des joueurs absents. Nous reprenons dans la salle de réception de Mogdred, aux allures seigneuriales.
Ambitions d’un enfant perdu
Allant droit au but, les compagnons se présentent simplement comme des messagers de Ceawyn et Amaleoda venant annoncer le projet d’un camp militaire dans les Goulets, et attendant sa réponse quant à sa participation.
“Ainsi vous n’apportez point les tributs tant attendus depuis des mois…”, se plaint Mogdred. Aucune marchandise de Bourg-Eaux-Noires ne s’est présentée à la Colline depuis un an environ. Une nouveauté depuis le pacte conclu il y a de nombreuses années maintenant, lorsque la Colline du Tyran fut accueillie comme nouveau peuple des Hommes des Bois et Mogdred reconnu comme son chef légitime, revenu vivant des geôles de Dol Guldur.
Reconnaissant le visage de certains invités, il leur demande de décliner leurs identités. Chacun se présente, jusqu’à ce qu’il ne reste que la jeune fille d’Arahaël le Rôdeur. Le regard implacable du chef autoritaire se porte sur elle et ses traits se détendent.
“Et qui est cette jeune fille ? Je ne crois pas avoir déjà vu d’émissaire aussi jeune.”, entonne-t-il sur un ton faussement autoritaire, trahissant déjà une certaine émotion dans sa voix.
Arahaël, en tant que porte-parole du groupe et à l’éloquence certaine, évoque ses choix d’éducation et sa volonté de la confronter au plus tôt aux dangers de la forêt. L’empereur sur son trône ne parvient à cacher un élan de jalousie mêlée d’admiration.
“Les pères ne devraient jamais laisser leurs enfants sans surveillance.”, conclut-il les yeux portés vers un point lointain invisible.
Mogdred semble apprendre avec surprise la bataille qui s’est déroulée l’an passé et comprend alors mieux sa situation avec Bourg-Eaux-Noires et Bourg-Radieux : les deux chefs ont dû considérer qu’il avait failli dans sa mission de protection des habitations du Sud de la Forêt.
Pour seule explication, l’homme d’une quarantaine d’années admet à contre-cœur le siège de la Colline par un loup aux contours monstrueux au moment de la bataille (étrange coïncidence ?). Son expression devient d’autant plus sombre lorsqu’il annonce le retour de la bête ces derniers jours. Les compagnons apprennent l’envoi d’une patrouille, avec à sa tête son meilleur lieutenant “Roderic”, partie traquer le loup avec pour ordre de ramener sa tête.
C’est en cet instant que le second capitaine de Mogdred, “Grimald”, pénètre dans la pièce pour rendre son rapport. Si Roderic est décrit comme une force de la nature, une âme fidèle et une lumière inspirante pour ses hommes, Grimald est certes plus discret dans son apparence plus mince et moins charismatique, mais son regard de faucon en dit long sur sa vivacité d’esprit. Le capitaine en second rapporte qu’aucune nouvelle de Roderic ne leur est parvenue depuis son départ il y a une lune. Grimald, en homme de confiance, suivra ensuite le reste de la conversation auprès de son meneur, lui murmurant des conseils de temps en temps sans quitter le groupe des yeux.
Mogdred ne croit pas en la nature maléfique du loup, et ne la considère que comme un animal plutôt coriace. Lorsque les compagnons l’avertissent des dangers du loup-garou, il prend la défense de son capitaine parti dans la forêt, excellent guerrier parmi les autres. Néanmoins il ne considère pas comme une offense que la compagnie aille sur leurs traces. S’il n’admet pas qu’on sous-estime le meilleur de ses hommes, il sait également que plus de combattants assureront une meilleure victoire.
Concernant la garnison, Mogdred se montre favorable à ce projet. Il ne renie pas son titre de protecteur des peuples Hommes de Bois, bien au contraire : le chef militaire considère qu’il est le seul apte à diriger une telle garnison. Ceawyn est certes bon commerçant et généreux dans l’effort, mais ses hommes ne sont pas des soldats. Quant à Amaleoda…
Mogdred confie donc sa réponse aux compagnons, qu’ils devront délivrer à Ceawyn : s’ils veulent que le Tyran sur la Colline se joignent à eux, les tributs doivent reprendre et ils doivent accepter qu’il choisisse lui-même le capitaine de la garnison, parmi ses hommes.
En guise de conclusion Grimald chuchote quelques mots à l’oreille de Mogdred, que ce dernier s’empresse de répéter à voix haute dans une proposition consentie.
“Laissez votre fille ici, Arahaël. Elle sera sous ma protection le temps de votre chasse.” Puis d’ajouter : “Faites attention, les bois par ici ne sont pas sûrs…”.
Interrogé sur ces derniers mots, Mogdred rappelle qu’ils se situent au plus près de Dol Guldur d’une part, et dans une zone de la forêt dont la beauté des Elfes a disparu depuis bien longtemps d’autre part. Les orques patrouillent autour de la Colline Hantée, et le reste du Sud n’est pas plus sûr. En outre, la forêt est particulièrement hostile, et le moindre animal un danger mortel.
Les Provocations de la Bête
Le lendemain matin, les compagnons sont réveillés par les hurlements hallucinés des victimes du loup-garou (qui semblent avoir gardé plus que des marques physiques). Au pied du campement, Le Rôdeur confie sa fille au capitaine en second puis la Compagnie s’éloigne de la Colline du Tyran. Arahaël aurait préféré garder sa fille avec lui, mais il doit concéder rapidement que cette partie de la forêt est dangereuse et que la rumeur du loup se fait pressante. Cependant, le doute l’assaille. Sera-t-elle bien traitée ? Peut-on faire confiance à Mogdred ? Quelles sont ses méthodes ?
Sur ces questions, le chasseur Béornide et l’Elfe sont chargés de retrouver les traces du groupe de soldats partis en chasse.
Vaerys le Béornide aurait préféré rester au campement. Tous ces voyages par marais et denses forêts sont fort épuisant et la Colline, bien qu’assez spartiate, offrait un repos et une sécurité appréciables. Bien qu’ayant repéré les traces, le chasseur attitré décide de feindre sa découverte dans l’espoir qu’ils retournent bredouille à la Colline. L’Elfe trouvera finalement les traces, conscient que le Béornide les avait sûrement repéré… Le groupe semble composé de 4 à 5 soldats, et une paire d’empreintes paraît plus profonde que les autres. Il doit s’agir de quelqu’un de très massif.
Une journée s’écoule dans la Forêt Noire pour la compagnie, qui atteint une clairière dont la tranquillité apparente a été sauvagement défigurée. Quatre corps inertes et déchirés recouvrent les mottes d’herbe arrachées. Des traces évidentes indiquent que le groupe a croisé la route du loup-garou, que ce dernier s’en est échappé vivant et a tiré avec lui un corps ayant laissé de larges marques, visibles même pour les non-initiés. Les compagnons suspectent déjà un traquenard, ou peut-être seulement la promesse d’un repas futur.
Dans cette partie de la forêt, tout semble fait pour mettre la compagnie en difficulté. Le terrain ne cesse de monter, descendre, passant par des parois infranchissables que la bête a pourtant réussi à passer, ralentie par son captif.
Au terme d’une nouvelle journée, le voyage s’achève enfin jusqu’à une nouvelle clairière encaissée, en contrebas. Une large fente indique la présence d’une grotte, sans doute le refuge de la bête.
Avec d’infinies précautions, le groupe s’approche de l’entrée sans signe de danger. De faibles gémissements leurs parviennent de l’intérieur plongé dans le noir, et les échos de la chutte de quelques gouttes d’eau.
Sigvard, l’un des deux Bardides, a une vision de l’intérieur de la caverne. La silhouette d’un homme à terre tentant de se hisser jusqu’au bord d’un lac souterrain lui parvient. Aucune menace du loup ne semble attirer sa vision.
Trois compagnons décident d’entrer pendant que le reste du groupe guette à l’entrée.
Un homme de grande stature est ramené à la lumière de l’extérieur, en très mauvais état, pendant que le Rôdeur allume une torche préparée par l’expérimenté Vidar et entreprend d’explorer la grotte, se révélant être un ancien refuge abandonné. L’Elfe détermine que le pauvre souffre de nombreuses fractures et que son voyage à même le sol inégal lui a brisé la mâchoire. Il ne semble pas capable de répondre aux questions, mais les silences qui les suivent indiquent qu’il les entend.
Les guetteurs sont alors alertés d’une présence courant tout autour d’eux, évitant la lumière. Un long moment se passe ainsi, pendant lequel chaque murmure fait battre le cœur des héros à en exploser : la bête est là, et l’appel de la confrontation tant attendue les assaille.
Le loup-garou de la Forêt Noire se présente enfin, à l’autre bout de la clairière. Petit à petit, son horrible museau décharné s’invite à la vue des compagnons, suivi de son grand corps déformé et musculeux. Les fiertés tressaillent et plusieurs compagnons sont pris de panique devant l’abominable apparence du monstre.
Étrange manœuvre que de se présenter ainsi en face à face, à la merci des flèches. Les compagnons s’attendaient à devenir proies, à être pris par surprise avec le sens de la chasse d’un simple loup, mais il devient évident que la bête s’approche tel un séide de l’Ombre, confiant dans sa force et provoquant les coups de la compagnie. Le monstre de la Forêt se révèle enfin, et il n’est ni humain ni animal.
Sa lente parade se transforme enfin en une course, une charge vers les personnages et leur mort…
Les trois archers du groupe se saisissent alors de flèches. Le Rôdeur arme même une de ses flèches noires numénoréennes pour l’occasion. Les 3 flèches dansent chacune leur tour et perforent avec succès la bête, qui s’écroule soudainement.
La compagnie s’attendait à un âpre combat. La bête était-elle bien tombée ? Allait-elle se relever ? Avait-elle révélé tout ce dont elle était capable ?
La tête, la queue et plusieurs griffes sont arrachées au cadavre encore chaud comme preuve ou trophée. La compagnie décide de bivouaquer dans la grotte le temps de stabiliser l’homme, qui confirmera le lendemain s’appeler Roderic, et le temps de fabriquer un corbillard pour le transporter. Le cadavre de la bête est posé à côté d’eux, avec l’angoisse qu’il disparaisse subitement.
Au lendemain, le cadavre décapité est toujours là, et la compagnie l’abandonne pour s’en retourner à la Colline.
Le Béornide, ravivé par la rencontre avec le loup-garou et le plus robuste du groupe, se charge de transporter le massif capitaine de Mogdred.
À la fin de la première journée, la compagnie atteint la clairière où se trouvent encore les corps des hommes de Roderic.
Au cœur de la nuit, un grognement terriblement proche s’invite soudain au centre du campement. Un grognement et deux yeux rouges trop familiers…